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L'OR NOIR
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4 mars 2008

Les cours du pétrole: synthèse

Les cours du pétrole ont plus que doublé entre 2002 et 2007. La guerre en Irak et les tensions internationales expliquent en partie cette hausse des cours, qui trouve aussi son origine dans des facteurs plus structurels. En un siècle, le développement économique s’est accompagné d’une dépendance croissante à l’égard du pétrole qui compte désormais pour 40 % dans la consommation mondiale d’énergie. Les ressources disponibles sont encore abondantes mais 60 % d’entre elles se trouvent au Moyen-Orient. Leur exploitation et leur transformation en produits finis génèrent un chiffre d’affaires de plus de 2 000 milliards d’euros. On mesure l’ampleur des enjeux qui sont à la fois économiques, financiers et géostratégiques.

Pétrole et relations internationales
Internationalisation et affrontements (1945-1970)

Actuellement, l’économie du pétrole paraît forcément internationale. Le principal pays producteurs reste – les Etats-Unis – même si, dans la première moitié du XXe siècle, s’affirment de nouveaux pôles de production pétrolière au Moyen-Orient, en Roumanie, au Mexique et au Venezuela. Très vite l’internationalisation s’accélère, à la faveur d’un événement symbolique : en 1947, les États-Unis deviennent définitivement importateurs nets de pétrole, une énergie pour eux essentielle qui leur apporte vitalité industrielle et puissance militaire, et dont ils maîtrisent la technologie et le savoir-faire.

L’internationalisation de l’économie pétrolière se renforce pendant les Trente Glorieuses en raison d’une forte hausse de la demande en Occident. Celle-ci résulte de la croissance que le bas prix du pétrole nourrit tout au long de la période, avec tout particulièrement le développement des transports et de l’industrie, qui abandonnent petit à petit le charbon.

la décolonisation et la question du développement mettent le pétrole au cœur des relations internationales. Plusieurs pays, intégrés dans des systèmes coloniaux, se révèlent potentiellement riches en ressources pétrolières : Algérie, Gabon, Nigeria, Indonésie. Les actifs des compagnies internationales sont partiellement nationalisés, les relations avec les anciennes puissances coloniales se tendent.

À l’instar des pays nouvellement indépendants, les principaux pays exportateurs, en particulier au Moyen-Orient, reprennent le contrôle de leurs ressources. Ils se heurtent parfois aux États consommateurs, qui n’hésitent pas à intervenir dans les affaires intérieures quand leurs intérêts sont en cause, comme c’est le cas après l’épisode Mossadegh en Iran en 1953. Mais la tendance à la prise de contrôle au moins de l’amont pétrolier par les pays producteurs est générale et irrésistible. Plusieurs de ces États s’associent en créant l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) en 1960.

Les pays du Moyen-Orient, largement majoritaires dans ce mouvement, appuient la cause de l’ensemble des pays arabes. Ils prennent conscience de leur poids dans le système économique mondial et apprennent à faire du pétrole une arme politique.

Du double choc pétrolier à une plus grande coopération internationale (1970-2003)

Au début des années 1970, la demande de pétrole s’accroît, notamment en provenance des États-Unis où l’extraction est de plus en plus coûteuse. Ceux-ci préfèrent s’approvisionner à bas prix au Moyen-Orient. Le dollar se dévalue : les pays exportateurs s’estiment exploités. La fin de la convertibilité du dollar en or (1971) déclenche une vague de hausses des prix du pétrole et leur indexation sur un panier de monnaies.

Les principales victimes de cette hausse sont en fait les pays en développement, qui s’endettent auprès de la communauté internationale. La conflictualité sous-jacente s’exprime : le terrorisme extraterritorial apparaît. Dans ce contexte de déséquilibres persistants, et malgré des signes de reprise économique, la chute du Shah en 1979 entraîne le retrait du pétrole iranien, provoque le deuxième choc pétrolier et relance la hausse des prix. En réalité, il s’agit de la deuxième étape d’un double choc qui, en une petite décennie, transforme de fond en comble l’économie de la planète et favorise la mondialisation du pétrole. La hausse vertigineuse des prix du brut a pour première conséquence de rendre rentable l’exploitation de gisements moins faciles d’accès que ceux du Moyen-Orient. Elle relance l’exploration et progressivement la production en de nombreux points du globe. De nouvelles régions pétrolières s’imposent : Indonésie, Afrique, mer du Nord, Amérique latine, URSS.

Ainsi, assez vite, le fonctionnement international du marché et les mesures d’adaptation prises dans chaque pays consommateur permettent de « digérer » le double choc pétrolier.

Les raisons de la fluctuation des cours depuis 2003 : tensions internationales et contraintes techniques

La variation des cours du pétrole, qui ont triplé entre 2002 et 2006 pour atteindre les 78 dollars le baril en août 2006 avant de redescendre, est le résultat d’une combinaison de facteurs géopolitiques, économiques et techniques.

Les facteurs géopolitiques

Ressource stratégique extrêmement lucrative, le pétrole attise les convoitises. La volonté de s’approprier ou de contrôler des réserves pétrolières peut être un facteur déterminant de déclenchement de conflits internationaux, impliquant l’engagement des grandes puissances ou, au contraire, limités à deux États voisins.

L’impact politique du pétrole se ressent en outre au niveau interne. Pour la plupart des États producteurs, l’exploitation de pétrole se traduit par le développement d’une économie de rente. Cette perturbation du système économique se répercutant sur le système politique, le pétrole se transforme en un facteur de déstabilisation politique et sociale. Dans les cas extrêmes, des pays sombrent dans des guerres civiles dont les ressorts sont directement pétroliers.

Les foyers de tensions qui s'accumulent dans les pays producteurs de pétrole sont la principale cause de l'envolée récente des cours du baril de brut. Le Moyen-Orient constitue le principal facteur de tension sur les marchés. Redoutant une interruption durable des approvisionnements ou le blocage du détroit stratégique d'Ormuz, les opérateurs réagissent à chaque nouvelle en provenance des deux principaux fronts actuels de tensions : la crise autour du nucléaire civil iranien et la guerre en Irak. A cela s'ajoute la permanence de la menace terroriste dans certains pays producteurs du Golfe. D'autres pays producteurs - Venezuela, Tchad, Russie - sont également dans une situation jugée "inconfortable" et les opérateurs des marchés scrutent avec inquiétude l’évolution interne de ces pays. Les foyers de tension internationale affectant les cours du pétrole ne concernent pas uniquement les pays producteurs : les tirs de missile et essais nucléaires nord-coréens ou la guerre au Liban durant l’été 2006 ont entraîné des perturbations sur les marchés.

La guerre en Irak

Plus de trois ans après l'invasion du pays par une coalition internationale menée par les Etats-Unis, l'Irak est toujours plongé dans l'incertitude politique et le chaos économique et social.

Les sabotages à répétition des infrastructures pétrolières par les opposants au nouveau régime maintiennent la production autour de 1,5 million de barils par jour, soit un niveau de production inférieur de 40 % par rapport à celui d'avant-guerre.

Le programme nucléaire en Iran

Le refus de Téhéran de renoncer à enrichir de l'uranium, malgré les injonctions des Nations Unies et les pressions de la communauté internationale, fait craindre une nouvelle crise de grande ampleur entre les Etats-Unis et l’Iran, quatrième producteur mondial de pétrole. Téhéran pourrait riposter à toute sanction prise à son encontre en coupant ses exportations -estimées à 2,7 millions de barils par jour - ou en bloquant le détroit d'Ormuz, passage stratégique par lequel transite près de 20 % de la production mondiale de brut.

Le mouvement séparatiste au Nigeria

Au Nigeria, sixième pays exportateur mondial de brut, des militants séparatistes qui réclament l'indépendance de la région pétrolière du Delta du Niger (sud) ont multiplié les prises d'otages et les attaques de sites pétroliers, faisant chuter de plus de 20% la production. Or le brut nigérian est particulièrement prisé pour sa qualité. Les analystes estiment que l'instabilité va se poursuivre au moins jusqu'à l’élection présidentielle de 2007, en raison de la candidature impopulaire du président en exercice pour un troisième mandat non autorisé par la Constitution.

Le contrôle étatique du pétrole en Amérique latine

En Amérique latine, on assiste à un véritable retour au « nationalisme pétrolier ». Au Venezuela, outre les menaces régulièrement proférées par le président Hugo Chavez d'interrompre ses exportations vers les Etats-Unis, l’Etat oblige les compagnies étrangères à s'associer à la société nationale PDVSA dans l'exploitation du pétrole vénézuélien. La Bolivie a adopté une nouvelle loi établissant le contrôle étatique sur les réserves d'hydrocarbures du pays, tandis qu'une nouvelle législation en Equateur accroît les impôts des compagnies pétrolières étrangères.

La saison des ouragans dans le golfe du Mexique

Les Etats-Unis sont, de très loin, le plus important pays consommateur et importateur de pétrole dans le monde. Leur production est non négligeable, même si elle a tendance à baisser inexorablement depuis plusieurs décennies. La saison des ouragans, qui dure de juin à septembre dans l'Atlantique, enregistrent plusieurs cyclones majeurs par an, et les marchés craignent pour les sites d’extraction off shore du Golfe du Mexique, déjà dévastés par le passage des cyclones Katrina et Rita en août 2005. Les opérateurs montrent donc des signes de nervosité à l'approche de chaque saison des ouragans.

Le rôle de la Russie

Outre la reprise en main des compagnies pétrolières et gazières russes par les autorités de Moscou, celles-ci font de plus en plus pression sur les compagnies étrangères, retirant ou limitant les licences d’exploitation. Dans sa volonté de retrouver une place de premier plan dans les négociations internationales avec les Occidentaux, la Russie du président Poutine est suspectée d'utiliser la flambée des cours et ses énormes ressources énergétiques - elle est assise sur les premières réserves gazières au monde - comme arme de pression.

Les facteurs techniques et économiques

Le manque de capacités de production

La plupart des pays producteurs pompent au maximum de leurs réserves et seule l'Arabie saoudite dispose réellement de capacités de production non utilisées. Cette faiblesse de marge de manœuvre en cas de défaillance dans l'un des pays producteurs constitue l’un des sujets de préoccupation majeurs des opérateurs de marché. De manière générale, les difficultés rencontrées ces dernières années ont toutefois conduit à une prise de conscience tant des producteurs, qui accroissent peu à peu leurs investissements, que des consommateurs, qui ont renfloué leurs stocks.

Le manque de capacités de raffinage

Les ravages des cyclones Katrina et Rita aux Etats-Unis ont contribué de démontrer les faiblesses des investissements effectués par l’industrie pétrolière. Aucune raffinerie n'a été construite en Europe ni aux Etats-Unis depuis 30 ans et celles qui existent ont souvent besoin d'être rénovées. Beaucoup sont inadaptées au brut lourd, le seul que peuvent ajouter les pays producteurs à leur offre actuelle. Le manque de produits raffinés contribue à alimenter la hausse des cours du brut.

Une croissance de la demande toujours soutenue

La reprise quasi-simultanée de la croissance dans toutes les économies du monde depuis 2003-2004 a entraîné un boom de la consommation de pétrole aux Etats-Unis et en Chine surtout. L'Agence internationale de l'Energie prévoit pour 2007 une progression de 1,7 % de la demande mondiale de pétrole, à 86 millions de barils par jour.

L'intérêt des investisseurs et la spéculation

Si les fonds de pension sont massivement présents sur les marchés pétroliers comme sur l'ensemble du secteur des matières premières, ils n’opèrent pas toujours dans une optique spéculative. Selon certains experts, la spéculation amplifie le mouvement de hausse des cours, mais n'en est pas à l'origine.

Source : extraits de l’article de Hervé l’Huillier publié in Questions internationales n° 2, « Le pétrole : ordre ou désordre mondial », La Documentation française, juillet-août 2003 (épuisé).

 

 

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